Bonjour ,
J'ai vécu une enfance entourée de "bonnes" parce que mes parents ne voulaient pas sacrifier leur vie professionnelle à leurs enfants, sans affection maternelle, et une adolescence toute studieuse, entièrement consacrée à la compétition et à l'intégration en classes prépas. Pas de sorties , ni d'amis. Entre 15 et 16 ans, je suis devenue profondément cynique, agressive, très mal dans ma peau. Il est probable que j'avais déjà les premiers symptômes de la maladie bipolaire qui allait être diagnostiquée plus tard. En rentrant chez moi, le soir, je me suis fait agresser quatre ou cinq fois sexuellement . Mais j'étais si agressive qu'à chaque fois j'ai réussi à me sauver, non sans un vrai combat. Je n'ai rien dit à personne.
J'avais fait ma première communion, ma confirmation sans vrai enthousiasme. Certaines paroles pendant la retraite préparatoire m'avaient touchée mais je n'étais pas allée plus loin. Mes études étaient brillantes; j'ai intégré les prépas littéraires dans un des deux plus grands lycées de ma ville, sans problème; puis, j'ai enchaîné , sans difficultés: licence , maïtrise. Je préparais l'agrég. quand plaf, patratas, je fus prise d'une bouffée délirante, qui me fit quitter ma ville en train, sans billet, et errer 5 jours à Paris, les pieds en sang. Le Seigneur a fait en sorte qu'encore une fois, malgré les inévitables rencontres douteuses de la nuit, j'en sorte sans gros ennuis.
Je suis sortie de l'hôpital au bout de 9 mois. Et là, miracle des miracles, à peine 1 an plus tard, j'obtenais un concours d'enseignement très difficile , qui me faisait titulaire.
8 ans plus tard, deuxième bouffée délirante qui permit aux médecins de poser le diagnostic : bipolaire . (c'est-à-dire alternance de périodes très exaltées, puis très déprimées, sans rien à voir avec la simple cyclothymie).
Et là, deuxième miracle des miracles, pendant 27 ans, grâce à Dieu et à un traitement suivi scrupuleusement, j'ai pu exercer le plus merveilleux des métiers, celui de prof. de lettres classiques , que je continue encore d'exercer chaque jour avec une joie profonde.
Bien sûr, l'épée de Damoclès de la rechute est au dessus-de moi, mais en fait , cela m'oblige à vivre au jour le jour, et à me confier au Seigneur chaque main. Parce que tout n'est pas rose, à cause des effets secondaires des médicaments.
Mais le plus extraordinaire, c'est que mon coeur s'est ouvert, que je m'intéresse aux autres, que je suis devenue généreuse... alors que , vous vous souvenez, avant, j'étais cynique, dure, ironique... Dieu m'a donné un coeur de chair, dès ma première hospitalisation. J'en ai été tellement émerveillée, de ce nouveau monde qui s'offrait à moi, que j'ai passé tout mon temps à l'hosto à sortir de ma chambre puis à y entrer , tous les quarts d'heure, pour avoir le plaisir de découvrir les nouveaux paysages, les nouvelles personnes, qui s'offraient à moi , comme autant de cadeaux de Dieu... Pour moi, l'hp, ce fut un paradis...
J'ai rencontré , dès ma sortie d'hosto, plein de Jean-Baptiste sur ma route: des collègues catho, mon conseiller pédagogique catho... J'ai alors fréquenté les couvents, les monastères, parallèlement à mon métier d'enseignante;j'ai fait un essai chez les Visitandines, qui accueillent les santés fragiles , mais c'était encore trop difficile pour moi.
Et puis, alléluia (ter) , je suis entrée dans l'institut séculier thérésien Deus Caritas, qui permet de garder son métier tout en prononçant les voeux de célibat et de chasteté, et les promesses d'obéissance et de pauvreté, à l'école de Thérèse de Lisieux. Figurez-vous que, dans la lettre de réponse de l'institut, j'ai découvert que la Responsable générale, au niveau international, habitait dans le petit village charentais où je venais - à peine - d'être nommée , après ma mutation. Comme si le Seigneur m'y attendait.
Depuis , j'ai cheminé au sein de cet institut séculier Deus Caritas, tout en exerçant mon métier d'enseignante, qui fut ma première vocation.
Je me lève,joyeuse, le matin et je ne cesse de rendre grâce: il y a si peu de bipolaires qui travaillent ... et moi, le Seigneur me donne chaque jour de pouvoir le faire , et m'a donné le soutien d'une communauté de soeurs. Je n'ai pas d'enfants, mais 150 chaque année: le centuple promis; pas de mari, mais de belles amitiés avec des hommes. (c'est encore plus beau une vraie amitié)
Comme vous le voyez, malgré les difficultés, le Seigneur peut faire des miracles et faire sauter les pires blocages.
Que son saint Nom soit béni !
(Excusez-moi d'avoir été longue)
Laetitia.